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Chronique album Bruno TOCANNE "4 new dreams !" Mozaic Jazz

C’est dans une certaine forme de limpidité que ces nouveaux rêves de Bruno Tocanne trouvent leur profondeur. Une limpidité que l’on doit, d’une part, aux splendides compositions qui nous sont servies, et d’autre part à l’épure dont savent faire preuve les quatre musiciens, celle-ci laissant néanmoins parfois place à des propos tourmentés. Les cuivres se superposent en de subtiles harmonies dans l’interprétation des thèmes, puis se soutiennent l’un l’autre lors des chorus. Leurs styles respectifs sont parfaitement complémentaires puisque Samuel Blaser s’attache à colorer la musique en plaçant de nombreux à-plats (pas si plats d’ailleurs) tandis que Rémi Gaudillat se met plus volontiers en retrait pour venir fendre la musique d’éclairs cuivrés, dévoilant un phrasé précis et fougueux. Michael Bates apporte une assise par ses lignes qui exploitent avec puissance et raffinement les canons issus d’une certaine tradition du Jazz et qui rappellent la liberté cadrée d’un Charlie Haden soutenant sobrement Ornette Coleman à l’époque de «The Shape Of Jazz To Come». On pense aussi, bien sûr (le titre y fait explicitement référence) aux walking bass empreintes de liberté du même géant Américain au sein du groupe Old And New Dreams. Ses chorus, qu’il prend le temps de construire et d’articuler, montrent à quel point sa liberté ne tient pas qu’aux pérégrinations harmoniques. Il sait se détacher du rythme et investir l’espace avec sobriété et musicalité, comme sur sa remarquable partie soliste sur « Alicante ». Le jeu des trois musiciens est rythmé, souligné, éclairé par le drumming plein de finesse de Bruno Tocanne. En bon leader, il se met au service de sa formation en privilégiant une pulsation ternaire très pure lors des morceaux en quartet. Il profite des titres joués en duo pour se faire plus loquace, plus nerveux. Tour à tour swinguant («Birthday Memorial », «Van Gogh», «Interlude 1») ou impressionniste («Waiting For…», «Le présent du vindicatif»), il donne à sa musique des orientations sans empiéter sur la liberté qu’il laisse à ses partenaires. Lorsqu’il apporte au titre «Voodoo» une pulsation binaire, il sait incorporer dans son groove impeccable un peu d’abstraction, quelques bruissements qui mettent en valeur les frappes lorsqu’elles reviennent sur le temps. Soit un magnifique travail de rythmicien inspiré et de musicien impliqué. Au delà des qualités intrinsèques de la musique (belle écriture, répartition des rôles pertinente, inspiration des solistes, propension à faire vivre la musique en la laissant circuler, travail sur les couleurs…), le disque se distingue par une construction qui traduit la volonté de proposer un projet global et d’en soigner la narration. Climats et formats changent, se chargent ou s’allègent, et l’on passe en douceur de l’apaisement à la turpitude, de l’onctuosité du Quartet élégant (le bois pour la chaleur, le cuivre pour la lumière) aux reliefs escarpés de duos intenses. Jouées à deux, trois ou quatre, les pièces s’inscrivent toutes dans une démarche logique qui permet à «4 new dreams» de proposer plus que de la (belle) musique. Une histoire, un cheminement. Constamment surpris, on se laisse emporter par cette musique qui interpelle, caresse, intrigue, berce, bouscule, et captive. D’un bout à l’autre" Olivier Libellés Mozaïc Jazz 02/2011