Julien Pras, l'homme orfèvre
"Southern Kind of Slang" est le premier album solo de Julien Pras, orfèvre en matière de chansons pop sensibles, depuis plus de quinze ans. Cette œuvre personnelle suscite un arc en ciel d'émotions, grâce à des mélodies travaillées et une instrumentation subtilement mise en scène.
Depuis la révélation de "Any downs at all" au début des années 2000, les amateurs de musiques anglo-saxonnes connaissent la griffe Calc. En 2008, Julien Pras s'embarque dans une odyssée solitaire. Accompagné de sa seule guitare acoustique, il compose une série de chansons purement folk, à base de rêves, de désirs de fuite et de rédemption. Il écrit, tourne, enregistre seul, retrouvant le plaisir de tout diriger lui-même, sans autre but que monter une collection de chansons parfaites: de celles qui vous touchent à la première écoute par leur sensibilité et leur évidence, sans fioriture et sans chichi.
Mais, selon le vieil adage "chassez le naturel, il revient au galop", Julien Pras ne peut s'empêcher de céder très vite à la tentation de chercher le plus bel habillage qui soit pour ses chansons, oubliant son vœu de dépouillement et de rudesse. Troquant quelques lignes de guitare contre du piano ("Spying on the moon", "Comfortably stranded"), rajoutant quelques roulements de timbales ("Solar energy", "The sweetest fall"), de fil en aiguille, il invite harmonium, flûte, vibraphone, lapsteel, violoncelle, contrebasse, violons… Sans oublier les harmonies vocales qui élèvent les voix de Julien Pras (et de la californienne voyageuse Emily Jane White sur "Son of the stars"), dans des pyramides cristallines à rendre jaloux Sufjan Stevens privé de Shara Worden (My Brightest Diamond).
Vous l'aurez compris, après quelques rencontres plus ou moins fortuites (Julien Tirbois, Fugu, Uncle Jelly Fish), Julien construit dans l'intimité de son home studio une identité baroque à "Southern kind of slang". Neuf mois : c'est le temps qu'il lui faudra pour écrire des textes de saisons, peaufiner les arrangements, travailler les enchainements, superposer les voix au millimètre près, et enfin mixer tout cela pour que ça sonne… comme si Nick Drake avait enregistré avec Left Banke. Neuf mois de solitude (bien accompagnée quand même), de doutes, de retours sur le métier et d'expérimentations pour arriver à un morceau de l'envergure de "Evil Horns": une mini-symphonie psychédélique qui nous entraine de l'univers de Danny Elfman à celui de John Barry.
Magique ? C'est le mot qui caractérise le mieux "Southern kind of slang", jouant sur le déséquilibre entre un penchant naturel pour la mélancolie et une soif inassouvie de chaleur solaire, points cardinaux de l'inspiration de Julien Pras.
Cathimini