La formule du trio a toujours représenté l’essence même du rock : l’urgence, l’obligation d’aller à l’essentiel, l’impossibilité de tricher, l’énergie brute et juvénile. Quand en plus le trio est composé de trois frères, la cohésion et l’alchimie sont totales, et les disputes (feintes ou réelles) donnent l’étincelle en plus. Voilà sans doute pourquoi les frères Gorman alias KILL THE YOUNG ont tout de suite connu un gros succès avec leur premier album éponyme fin 2005, en particulier en France d’ailleurs.
Originaires de Manchester, Tom (voix & guitare), Dylan (basse) et Oliver (batterie, chœurs, claviers) puisent leurs influences des deux côtés de l’Atlantique, Smashing Pumpkins, Nirvana ou Sonic Youth par exemple d’une part, scène post-punk et longue dynastie de mélodistes pop de l’autre (quoique pas vraiment la scène mancunienne d’ailleurs).
Ils enchaînent alors grosses salles et festivals, publiant en 2007 leur 2e album : des Transmusicales à la Cigale en passant par Solidays, jusqu’au Nouveau Casino plein en juillet 2010 hors de toute actu promo, le trio de distingue par une énergie de tous les diables sur scène, jamais totalement gratuite toutefois.
Comme le nom du groupe l’indique, KILL THE YOUNG se fait parfois revendicatif, mais avec juste ce qu’il faut de cynisme et de bonne humeur...
Pourtant, après cette phase euphorique les frangins se heurtent à une réalité difficile : la longue maladie qui, après deux ans de lutte, finira par emporter leur père... L’inspiration et le titre de leur nouvel album Thicker Than Water viennent de là, comme un recueil d’histoires sur cette période édifiante dans l’histoire de la famille KILL THE YOUNG. La lumière est au bout du tunnel, il y a des choses importantes, essentielles même qui nous relient aux autres. Thicker Than Water signifie « plus épais que l’eau » : les liens du sang bien entendu. Et l’épaisseur aussi, que le groupe a gagné avec les épreuves et les années.
Ce nouvel album a été enregistré aux Whitewood studios de Liverpool sous la houlette de Robert Whiteley (Hot Club de Paris, Wombats...) qui connaît bien leur son live pour les avoir accompagnés sur des centaines de concerts, et mixé à Bruxelles par Julien Paschal (ex-batteur de Sharko). Il s’ouvre sur un titre dont la teneur montre d’emblée la dimension différente prise par KILL THE YOUNG : I Don’t Want To Fight With You Anymore entre directement dans le vif du sujet en évoquant les relations tumultueuses avec leur mère. Les problèmes restent et perdurent, certes, mais l’amour aussi. N’est-ce pas là l’essentiel ?
Qu’on se rassure, le trio est toujours et plus que jamais expert en brûlots truffés de refrains habiles, de riffs efficaces, de rythmiques tonitruantes et de mélodies inventives. Mieux, la voix de Tom Gorman se fait plus variée, plus profonde, à l’aise désormais dans une belle palette de registres du rock et de la pop.
Côté singles on est servi ! L’urgence de One and Only évoque la relation amoureuse où le rêve peut se briser à tout instant, sur le fil comme cette rythmique inexorable qui porte le morceau. Puis l’entêtant You’ve Got To Promise Me prouve qu’on peut signer un single au refrain imparable en évoquant un sujet pas évident, en l’occurrence la maladie mentale : «il n’existe pas de mots pour aider une personne qui souffre de ça, elle est dans son monde» explique Tom pour qui cathartique peut rimer avec énergique. Vient ensuite Darwin Smiles dont le refrain est pour le moins en prise directe avec l’ambiance qui règne en 2011! Quant à Goodbye Chris, voilà un titre qui démontre l’aisance particulière des frères Gorman dans l’up-tempo où leur énergie peut s’exprimer, jamais au dépends de la mélodie toutefois.
Gagnant en épaisseur, donc, tout en retrouvant l’énergie dévastatrice qui leur avait permis de débouler avec fracas sur la scène européenne dès leurs débuts, les frères Gorman viennent sans doute de signer pour KILL THE YOUNG l’album de la maturité. De la consécration ?