On l'avait vite compris à la découverte de leur excellent premier album, Lost Lost Lost (2010), Les Marquises n'est pas un projet figé, aussi bien dans son line-up que dans sa musique. Plus qu'un groupe, il s'agit avant tout d'un collectif à géométrie variable, issu de l'imaginaire de Jean-Sébastien Nouveau, et autour duquel gravitent de nombreux musiciens, dont certains ne sont pas inconnus dans les rangs d'Ici d'ailleurs. On pense notamment à Etienne Jaumet (The Married Monk, Headphone, Zombie Zombie) au saxophone et à Benoît Burello (Bed) au chant. Mais ce second opus réunit également Jonathan Grandcollot (Maman Brigitte, Plein Soleil) à la batterie et aux claviers, Nicolas Laureau (Don Nino, NLF3) et Johannes Buff (Dubaï) au chant, Martin Duru (Immune, Colo Colo) aux claviers et à la basse, Souleymane Felicioli à la trompette, Julien Nouveau (Immune) aux larsens et percussions et Pierre-Alain Vernette au violon.
Alors que Lost Lost Lost avait pour trame de fond l’œuvre de l'illustrateur Henry Darger, le 7ème art est désormais la source d'inspiration de Jean-Sébastien Nouveau qui cite volontiers ses influences : des œuvres telles que Fitzcarraldo et Aguirre, la colère de Dieu de Werner Herzog, Sa Majesté des mouches de Peter Brook ou encore Les Maîtres fous de Jean Rouch. Des films qui laissent entrevoir les thématiques de la jungle et du sauvage comme fil conducteur d'un album dont l'aspect hautement cinématographique permet de jouer avec l'imaginaire de l'auditeur. Car c'est la tête pleine d'images luxuriantes que l'on ressort de l'écoute du disque tant le travail sonore dans son ensemble, des textures aux voix, en passant par les percussions ou les samples, se révèle être un formidable réservoir d'idées. Chaque morceau est le résultat d'une attention toute particulière, d'une construction riche et minutieuse qui fourmille de détails et il ne faut pas longtemps pour s'immerger dans le monde sauvage et tortueux de Pensée Magique. Sans s'y perdre pour autant, car jamais Jean-Sébastien Nouveau ne s'égare le long de ces 7 morceaux qui vont à l'essentiel (chacun bénéficiant de son propre clip).
L'album n'a pas été conçu comme un disque de rock, de musique électronique ou de folk. Il est tout cela à la fois. Il est la somme des influences et des envies de son maître à penser qui n'a que faire des barrières et se paye le luxe d'une totale liberté d'élaboration. Un disque comme celui-là est clairement le résultat d'un décloisonnement des genres, d'un sens naturel de l'hybridation qui fait oublier à l'auditeur nombre de conventions stylistiques. Au final, nous nous retrouvons confrontés à une œuvre mélancolique, indomptable, hypnotique et intense qu'il sera difficile d'épuiser même au terme de nombreuses écoutes, et c'est bien là toute sa force.
La sortie de Pensée Magique marquera également le retour des Marquises sur scène, soutenu par son tourneur La Route Du Rock Booking. Jean-Sébastien sera accompagné par son frère Julien à la batterie, Arnaud Lemoine au chant et aux claviers et Souleymane Felicioli à la trompette, pour des performances qui s'annoncent encore plus farouches et aventureuses que sur disque, transcendant l'univers déjà si particulier de cette formation atypique.