Il y a quelques années, on évoquait un soi-disant retour du rock et, avec lui, l’émergence d’une scène parisienne truffée de groupes ayant appris la guitare en ouvrant un compte Myspace. Intégrée à ce chapitre de l’Histoire de la pop, la partie retraçant le parcours des Da Brasilians jouerait les hors-sujet. D’abord parce que, s’il réside dans la capitale, le groupe s’est formé en Normandie. Ensuite, parce que les Da Brasilians n’ont jamais concouru dans la catégorie sprinters, préférant au contraire laisser mûrir la substance qui donne aujourd’hui matière à un premier album. Formé au début du millénaire, le groupe réunit des anciens copains d’école : Vincent dit Frabou, Rémi, Jeff et Benoît- formation à laquelle il faut aujourd’hui ajouter Gregory aux claviers. Avant la musique, c’est un béguin commun pour le skateboard qui unit les quatre premiers. "Puis, on a eu 18 ans, et on a voulu faire autre chose. On a monté un groupe parce qu’on écoutait beaucoup de musique." Voisinage de l’Angleterre ou simple coïncidence, l’Ouest français a souvent célébré les noces du pays et de l’indie-pop anglo-saxonne avec ses festivals (Route du Rock, Art Rock), ses labels (Rosebud, à Rennes, avec The Little Rabbits, Katerine) et ses salles de concerts, comme Le Normandy, où le groupe s’est souvent produit. Dans les années 90, c’est donc vers le premier album des Stone Roses, des La’s, les harmonies made in Scotland de Teenage Fanclub ou le rock de Pavement que le groupe se tourne pour trouver ses premières amours- des formations à guitares dont le bagage musical permet bientôt aux Da Brasilians de découvrir la face cachée de la mythologie rock. "On écoutait beaucoup de groupes contemporains, et en cherchant dans les interviews, on est tombés sur un tas de références qu’on ne connaissait pas. On s’est mis à écouter les Zombies, les Beach Boys, les Byrds, Gram Parsons…On découvrait ça ensemble." L’idée du collectif est d’autant plus tangible chez les Da Brasilians qu’elle est leur premier atout : absence de leader, parties de chant partagées et une richesse dans les harmonies vocales héritée d’un amour pour les chœurs estampillés west coast de Crosby Stills Nash ou Buffalo Springfield. Pas question pour autant de sombrer dans les pièges du passéisme : c’est, si l’on se plait à sortir le jeu des sept familles, avec les cousins contemporains de Phoenix ou Tahiti 80 que le groupe pourrait dégainer sa carte.
Fruit de ces influences, un morceau, In The Morning, se voit sélectionné pour le concours CQFD des Inrockuptibles en 2007. " Ca nous a motivés, et nous a vraiment donné envie de prendre les choses au sérieux." Séduit par ses travaux au sein de sa Palmtree Family, le groupe convie Tahiti Boy aux claviers et multiplie les répétitions dans son studio de Mains D’œuvres à Saint Ouen, repaire dans les années 2000 d’une famille d’artisans pop du pays (The Married Monk, Herman Düne). Un maxi lumineux, About You, laisse entrer le soleil en 2009, et fait patienter les fidèles, plus nombreux à chaque prestation (Rock en Seine, tournée Inrocks Indie Club, concerts en Ecosse), jusqu’à ce premier album. Réalisé en live par Samy Osta, ingénieur en son du label parisien Third Side (Cocosuma, Fugu, Flairs) et aperçu au sein du duo folk Domingo, le disque, porté par un songwriting classique et classieux ("Il y a certainement, sinon de la maniaquerie, de la précision dans mon écriture“, concède Rémi, qui compose l’essentiel des morceaux), affiche en façade une spontanéité vintage, fruit d’une fidélité à la variété américaine des seventies. "Même s’il y a un aspect un peu ridicule lié au terme, on aime bien dire qu’on a un côté roots. Pour l’album, on voulait sentir quelque chose de vivant, organique. Peut-être pas parfait, mais sincère et fidèle à notre façon de jouer et ressentir la musique." Roots mais jamais rétro : ce premier disque, assez ensoleillé pour réconcilier, devant un coucher de soleil de la plage de Santa Monica, Midlake et les Happy Mondays, Fleet Foxes et Sébastien Tellier, affiche même quelques belles audaces à la production (les conclusions de Revolution et Please Stay, les arrangements groovy de Greeting From America). Flirtant aussi bien du côté de l’Amérique que des flamboyances pop anglaises (Janis, I’ll Be Blue), ce premier album plonge l’ivresse des commencements dans un flacon plus moderne, et s’impose à la fois comme le résumé rayonnant de la décennie passée et la prometteuse préface de l’histoire à venir.